Espace méconnu, la bordure de rue permet de réaménager l’espace urbain pour des besoins nouveaux tels que l’essor du e-commerce. Découvrez comment!

 

Après ce Vendredi Fou, vous avez sûrement eu la tentation d’effectuer vos achats en ligne, dans le confort de votre domicile. Or, ces quelques clics ne sont pas sans incidence sur notre société: l’expansion du e-commerce touche directement la qualité de vie urbaine, avec des opérateurs de livraison omniprésents par leur flotte croissante de véhicules de grand gabarit. 

 

Les chiffres ne mentent pas:

  • Le transport des marchandises émet 10% des émissions mondiales de CO2 (McKinnon, 2018). 
  • D’ici 2030, les ventes en ligne dans le monde devraient croître de 20% par année; conséquemment, le nombre de véhicules de livraison subirait une hausse estimée à 36% (World Economic Forum, 2021). 
  • À une échelle plus fine et locale, les livraisons du dernier kilomètre devraient presque doubler d’ici 2030 (WEF, 2020).
  • Plus du tiers du parcours logistique est effectué en contexte urbain, ce qui représente plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du parcours de votre marchandise (CIVITAS, 2020).

 

Au-delà de ces statistiques, la logistique soulève des enjeux d’aménagement. Même en Amérique du Nord, le réseau routier des villes n’est pas conçu pour absorber les nouveaux besoins en matière de logistique urbaine. À titre d’exemple, à Montréal, avant l’arrivée de la COVID-19, on prévoyait « un doublement, voire un triplement des activités de transport d’ici 30 ans [dans] certains secteurs clés comme celui de De Maisonneuve–Peel–Sainte-Catherine–Robert-Bourassa », un secteur déjà presque saturé avec un taux d’occupation moyen de 94 % pendant la journée (WSP, 2020).

Tableau de bord sur les effets de la logistique urbaine

Une multitude de solutions existe pour juguler ces externalités. La gestion stratégique de la bordure de rue en est une à privilégier. Cet espace qui concerne la voie de stationnement (29,6% de la voirie montréalaise) ainsi qu’une partie du trottoir mérite d’être repensé pour répondre aux besoins de demain. À commencer par les espaces de stationnement sur rue. 

Usage alternative de la bordure de rue

Une gestion optimale de ces espaces par des créneaux horaires dynamiques demeure une solution gagnante, tout en assurant une compatibilité avec d’autres usages de la bordure. Or, le jeu en vaut-il la chandelle? Réserver des espaces de stationnement pour la livraison urbaine sur les rues commerciales vient contingenter l’offre en stationnement pour les consommateurs. De plus, cette décision implique une perte de revenus en tarification pour la Ville: une place de stationnement tarifée rapporte en moyenne 1897$ / an (AMD, 2018). Elle demeure aussi une source potentielle de revenus municipaux par les contraventions, tout en exigeant des frais de maintenance. 

 

Au-delà de l’aspect pécunier, ces mesures bénéficient beaucoup à la Ville et à ses citoyens. À Seattle, l’Université de Washington a démontré que la moitié des camions de livraison se garent sur des emplacements qui leur sont interdits (Humes, 2018). En réduisant le stationnement illégal des véhicules de livraison grâce à une disponibilité d’espaces pour ceux-ci, le stationnement en double file est évité; ainsi, la fluidité et surtout la sécurité de tous les usagers de la route s’en voient bonifiées. Les stratégies en logistique urbaine de cet acabit ont porté fruit à Seattle et même à New York, où des espaces exclusifs en soirée permettent une livraison hors des heures de pointe, et par extension, plus efficace (Pembina, 2021). 

À Montréal, ces applications sont déjà en place. Des observations ont été effectuées par l’Observateur durant l’été 2021 sur deux artères commerciales, avant leur piétonnisation: l’Avenue du Mont-Royal et la Promenade Ontario. Cette dernière proposait des espaces dédiés à la livraison. De fait, plus d’un livreur observé sur deux les a utilisés. L’emplacement de ces espaces a tout intérêt à être avantageusement situé pour les livreurs. Selon deux chefs d’opérations au sein d’entreprises de livraison, les zones réservées à la livraison assurent des opérations plus aisées et efficaces que les créneaux horaires, en particulier si elles sont situées à même l’artère commerciale, et non sur des rues perpendiculaires (Jalon, 2021). D’autres terrains de jeu existent, notamment la nouvelle Plaza Saint-Hubert, qui participe à un projet sur la logistique urbaine, incluant l’observation réelle de l’utilisation des places de stationnement.

Au-delà du stationnement

 

Toutefois, soyons créatifs: la bordure de rue ne sert pas exclusivement au stationnement. Une case peut facilement accueillir des casiers de collecte sécurisés. Cette solution innovante permet aux clients de récupérer leur colis et ainsi d’effectuer eux-même le dernier kilomètre, fort coûteux et polluant pour les transporteurs, doit-on le rappeler. Il ne faut pas chercher bien loin pour observer cet élément, déjà présent sur la rue Wellington (Verdun) ou encore sur l’Espace Boyer (Rosemont-La-Petite-Patrie).

Casier Lock et Go, logistique de bordure de rue

La bordure a également un rôle à jouer dans la promotion de la cyclologistique. L’ajout de voies cyclables encourage assurément la livraison en vélo, d’une efficacité égale au camionnage à Montréal selon le rapport Colibri (Jalon, 2020).En effet, d’un point de vue opérationnel qui inclut la manutention et le nombre de livraisons par heure, un vélo-cargo livrant en milieu urbain, à proximité de son entrepôt, accomplit le même travail qu’un camion-cube. La bordure de rue a tout le potentiel d’encourager la livraison à vélo par un apaisement de la circulation automobile et des infrastructures cyclables. C’est également un emplacement privilégié pour l’installation de conteneurs de marchandises, idéales pour le réapprovisionnement des livreurs. UPS a innové en ce sens à Hamburg, en Allemagne. Il restera à insérer ce dispositif de manière harmonieuse avec le cadre bâti et l’environnement.

UPS et sa logistique bordure de rue

Et si vous souhaitez faire un peu d’exercice, pourquoi ne pas récupérer vous-même votre marchandise? Des remorques à vélo mutualisées sur l’espace public pourraient permettre au client de transporter du matériel encombrant. C’est déjà le cas dans les arrondissements de Rosemont-La-Petite-Patrie et Ahuntsic-Cartierville, avec l’implantation des remorques Locomotion.

 

Somme toute, la bordure de rue demeure un véritable laboratoire d’usages innovants en matière de logistique urbaine. Les acteurs municipaux ont le pouvoir – et le devoir – d’y contribuer afin de mener la logistique urbaine à bon port, et cela pour le bénéfice de notre population, de notre économie et de notre environnement.

Remorque Locomotion, logistique bordure de rue
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