L’équipe de la Fabrique des Mobilités Québec continue sa série d’entrevues dans le but de prendre conscience du parcours de la donnée, sa valeur, et de comprendre comment elle est utilisée à différentes fins.

Pour cette nouvelle entrevue, nous sommes allés à la rencontre de Larbi Gharib, Développeur logiciels libre chez Savoir-faire Linux, pour en apprendre davantage sur la collection et l’utilisation des données relatives à la bordure de rue. 

 Cet article vous permettra d’en savoir plus sur les enjeux de la collecte de données, ainsi que sur les actions et les freins de Savoir-Faire Linux pour valoriser et collecter les données. Additionnellement, vous y découvrirez les bénéfices de l’usage de ces données pour toutes les parties prenantes: citoyens, municipalités, et organisations.  

Grâce au financement de Montréal en Commun, le volet de villes intelligentes piloté par le Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal (LIUM), La Fabrique des Mobilités Québec soutient des expérimentations de mobilité durable comme celle de Savoir-Faire Linux pour étendre le champ des possibilités de la bordure de rue.

Collecter des données: un processus complexe 

Sébastien: D’après vous, quels sont les grands enjeux et défis en lien avec la bordure de rue à Montréal?

Larbi Gharib: L’un des premiers enjeux qu’on a compris, en rencontrant différents acteurs de la mobilité intéressés par l’utilisation des données de mobilité de stationnement, c’est la non-consistance de la structure des données. Les données sont sous des formats différents, ne sont pas à jour, ne sont parfois pas disponibles. Il y a aussi l’absence d’un écosystème qui permet aux différents acteurs de suivre les bonnes pratiques dans la création, l’organisation, la mise à jour ou le suivi de ces données. 

Il y a aussi un enjeu et un défi en matière de stationnement: l’enjeu concerne les places de stationnement et le défi, de les réduire. Comme notre priorité est d’utiliser des modes de déplacements durables alternatifs à l’automobile, on cherche donc à réduire le nombre de places de stationnement afin de dégager les voies et permettre de faire passer des vélos, des bus, plutôt que des voitures. Après, l’enjeu effectivement est de comptabiliser ces places et d’optimiser l’espace utilisé par ces places. Parfois, les places ne sont pas occupées par des voitures; elles sont dédiées aux voitures mais on aurait pu mettre autre chose à la place, temporairement. L’enjeu, c’est vraiment la gestion de cet espace. 

Et puis aussi, la donnée aujourd’hui. La donnée de stationnement, de mobilité, qui nous intéresse dans nos expérimentations à la FabMob est celle qui touche à la mobilité. Et toutes ces données-là, ce sont les données de déplacement des gens, des individus, mais aussi les données des infrastructures de la ville, du pays. Ça peut être des données sensibles, parce qu’on peut tracer une personne, mais aussi parce que la donnée dévoile rapidement les failles des infrastructures de notre ville.

Valorisation de la donné et méthodes de collection 

Sébastien: Quel travail est effectué chez Savoir-Faire Linux pour valoriser la donnée et pourquoi est-ce important de le faire? Pouvez-vous aussi nous raconter où vous récupérez les données et sous quel format vous les récupérez?

Larbi Gharib: C’est assez simple; on a commencé par aller regarder les données ouvertes de la Ville de Montréal. C’est un site Web, une plateforme sur laquelle la Ville de Montréal met à disposition plusieurs types de données ouvertes, dont les données de signalisation sur la bordure de rue. C’est une signalisation qui permet de savoir si on a le droit ou non de stationner. Cette donnée-là est disponible sous forme de différents fichiers en format tableur. On a un fichier qui nous donne les signalisations, la liste des panneaux, leur position et un code associé à ces panneaux. Ce code-là nous dit aussi de l’autre côté de quel type de signalisation il s’agit: est-ce qu’on a droit ou non de stationner? À droite, à gauche? De quelle heure à quelle heure? On prend ces données-là et ensuite on les convertit. Donc ça, c’est pour répondre à la question de l’origine des données. C’est la source principale qu’on a exploitée jusqu’à aujourd’hui. Mais on veut aller chercher des données dans d’autres sources aussi, afin d’étoffer le tout. 

La deuxième partie des sources de données pour le projet vient des données de partage de voitures, d’auto-partage, comme les données de Communauto. Ce sont des données de localisation des points de dépôt ou de récupération de voitures sur les rues et dans les ruelles, ou dans les stationnements privés, dans les stationnements publics. On a récupéré ces données-là sur un site Web réalisé par Communauto, qui met à disposition des fichiers xml. C’est un format de fichier qui permet de structurer des données. C’est disponible pour Montréal, Québec, Gatineau, plusieurs villes où Communauto est implanté au Canada. 

Il y a également les places de stationnement de voitures électriques, qui sont, elles, un peu plus précises, et qui sont disponibles sur le site du Réseau électrique de Montréal. Et enfin, il y a d’autres données: les données de Bixi, de l’emplacement des bornes Bixi, avec le nombre de places, qui nous permettent de donner la longueur de l’espace occupé par les stationnements Bixi. Et aussi, les données de construction mais ce sont les seules sur lesquelles on n’a pas encore réussi à mettre la main. C’est cette donnée qui nous permettrait vraiment d’avoir en temps réel une meilleure qualité de la compréhension des données de stationnement de la bordure de rue à Montréal. 

Sébastien: Avant de parler de ce que vous faites de ces données, quels sont les freins à votre travail dans le cadre des données sur la bordure de rue?

Larbi Gharib: Le premier frein, c’est la qualité de la donnée. Toutes les données ne sont pas structurées, comme on disait au départ, de la même façon. Et même dans certains fichiers, par exemple le fichier des données de stationnement de la ville de Montréal, les données de signalisation, les dates utilisées pour désigner le type, les périodes de réglementation, par exemple de lundi à vendredi, du 1er décembre au 1er mars, la façon d’écrire ces réglementations n’est pas la même. Et cette information-là crée dans notre travail un frein pour avancer. Il nous faut déterminer quelles sont toutes les formes d’écriture de ces réglementations-là pour pouvoir avoir une donnée à la sortie qui soit structurée et vraie.

Le deuxième frein, c’est la méconnaissance des différentes sources de données, des contacts. On ne sait pas toujours à qui s’adresser. Par exemple, pour la signalisation, on a découvert que la donnée de signalisation est issue d’un logiciel de commandes de panneaux qui nous permet d’avoir les panneaux. Donc il n’y a pas de suivi exact sur l’historique de chaque panneau qui est installé par les arrondissements. Les arrondissements vont commander des panneaux et c’est comme ça qu’ils savent ce qu’ils ont comme panneaux. Et aussi, il y a des étiquettes apposées sur les panneaux, ce qui fait que la donnée réelle sur les panneaux peut ne pas être la même que celle que nous avons sur le fichier de données ouvertes de la Ville de Montréal. On peut le valider, c’est un travail gargantuesque, qu’on pourra faire éventuellement. Mais c’est un de nos freins aussi. 

Bénéfices de l’usage des données pour toutes les parties prenantes

Sébastien: Qu’est-ce qu’on peut faire de ces données et quels bénéfices les citoyens peuvent-ils en tirer? A-t-on des exemples de cas d’usage de ces données de stationnement?

Larbi Gharib: Un des cas d’usage que nous essayons d’améliorer au fur et à mesure de nos scripts et de nos travaux de recherche de la donnée, c’est la compréhension de la disponibilité des places de stationnement dans la rue commerciale de la Plaza Saint-Hubert. Nous avons mis en place une carte qui permet de visualiser les places de stationnement à n’importe quelle heure de la journée, dans la semaine. Ainsi, l’utilisateur peut savoir, avant de partir, de quitter son domicile, s’il est plus intéressant d’ajourner, de prendre son véhicule pour aller stationner, ou de prendre un moyen alternatif parce qu’il n’y a pas beaucoup de stationnement à ce moment-là de la journée. Ça, c’est un cas pratique de l’utilisation de cette donnée-là. Mais elle peut aussi être utilisée en temps réel pour savoir si on a le droit de stationner là où on est stationné avec son véhicule, sans quitter son véhicule pour aller vérifier les panneaux dans la rue et se déplacer tout au long de la rue pour essayer de trouver l’information. C’est donc d’avoir une réponse rapidement sur la carte ou sur une application. La donnée est mâchée pour l’utilisateur à partir de la signalisation, pour lui dire si, à l’endroit exact où il est, il a le droit ou pas de se stationner. C’est une façon pour le citoyen d’utiliser cette donnée-là. 

Sébastien: Est-ce que tu vois un intérêt pour la Ville, pour les organisations municipales?

Larbi Gharib: Ah oui, pour la Ville, les municipalités, les arrondissements, c’est d’autant plus intéressant. En maîtrisant l’historique et la qualité de leur signalisation et des différents intervenants sur la bordure de rue, il peut y avoir une meilleure gestion de l’espace. Ça peut permettre d’autoriser ou non l’utilisation d’une partie de cette zone pour des activités qui peuvent ponctuer l’année, comme la fermeture d’une rue pour un événement particulier, pour le déneigement, pour toutes les activités que la Ville doit gérer. Et d’avoir une donnée qui soit constamment mise à jour, claire et facile à lire permet de réduire les coûts sur tous les aspects qu’on a cités, que ce soit le déneigement, l’aménagement. Pour la gestion de l’urbanisme, c’est un outil et une donnée qui est très importante. Il y a d’autres entreprises qui peuvent utiliser cette donnée aussi pour gérer leurs opérations. 

Conclusion: 

Cette entrevue soulève d’importantes potentialités d’utilisation de la donnée en matière de bordure de rue à Montréal. Une collaboration entre citoyens, municipalités et organisations, soutenue par l’expérimentation, pourrait permettre de maximiser l’utilisation de la bordure de rue.

Restez à l’affût pour de nouvelles entrevues sur la bordure de rue!

 

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