L’industrie du taxi à Montréal a connu des changements significatifs ces dernières années en raison de l’émergence d’entreprises innovantes dans le domaine de la mobilité et du transport rémunéré. Auparavant, les grandes compagnies dominaient le marché en partageant les parts avec les exploitants indépendants. Cependant, la limitation du nombre de permis émis par la SAAQ entraînait un coût élevé pour les permis, conduisant ainsi à un système de contrats de location. Les règlements concernant l’entretien des véhicules, la formation des chauffeurs et le service à la clientèle étaient également stricts.
Cependant, au fil des ans, des entreprises de covoiturage telles qu’Amigo Express et Netlift, ainsi que des entreprises de mobilité comme Uber et EVA ont fait leur apparition, entraînant une concurrence accrue pour l’industrie du taxi traditionnelle. Certains ont affirmé que ces entreprises n’étaient pas soumises aux mêmes réglementations et coûts que les sociétés de taxi traditionnelles, leur conférant ainsi un avantage injuste. Cependant, le gouvernement du Québec a pris des mesures pour uniformiser les règles du jeu pour tous les fournisseurs de transport.
Plus récemment, la pandémie de COVID-19 a également eu un impact sur l’industrie du taxi à Montréal, entraînant une diminution de la demande de services de transport en général.
Dans cet article, nous analyserons l’état de l’art de l’industrie du transport rémunéré à Montréal en révisant les nouvelles lois qui réglementent la pratique, ainsi qu’en faisant l’inventaire des acteurs impliqués sur le marché du Grand Montréal. Ensuite, nous discuterons de l’intégration de l’offre de taxi à une mobilité intégrée en passant par le registre du taxi et les modèles d’affaires favorisant une relation d’affaires entre les opérateurs de taxi et les planificateurs de déplacements. En somme, l’industrie du taxi à Montréal est confrontée à des défis de la concurrence croissante et de l’évolution des préférences des consommateurs, et nous mettrons en évidence la nécessité de poursuivre l’innovation pour améliorer l’offre de service.
État de l’art de l’industrie transport rémunéré
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Réglementations encadrant la pratique du transport rémunéré à Montréal
À Montréal, le secteur du taxi est soumis à de nombreuses lois et règlements édictés par le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal. Les lois principales sont la Loi sur les services de transport par taxi, qui régit les services de transport par taxi dans tout le Québec, et le Règlement sur le transport par taxi de la Ville de Montréal, qui précise les conditions d’attribution des permis de taxi, les normes de sécurité et les tarifs que les chauffeurs de taxi peuvent facturer.
Le Règlement sur les services de transport par automobile de la Ville de Montréal s’applique quant à lui aux services de transport par automobile en général, y compris les taxis traditionnels et les services de transport rémunéré. Il établit les règles de conduite pour les chauffeurs, les normes de sécurité à respecter pour les véhicules et les règles en matière de tarification. Enfin, le Code de la sécurité routière du Québec s’applique à tous les conducteurs de véhicules, y compris les chauffeurs de taxi, et énonce les règles de conduite à respecter sur les routes, les normes de sécurité pour les véhicules et les règles de circulation.
Ces lois et règlements sont appliqués par diverses autorités à Montréal, telles que la Ville de Montréal, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et la Commission des transports du Québec (CTQ). Ces autorités s’assurent que les chauffeurs et les entreprises de taxi et de transport rémunéré se conforment à ces règles pour assurer la sécurité des passagers et une concurrence loyale entre les acteurs du marché.
Ces dernières années, de nouvelles lois ont été adoptées pour réglementer les nouveaux acteurs du transport rémunéré qui défiaient la réglementation en place. La loi 17, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 2016, encadre l’industrie du taxi et des services de transport rémunérés à Montréal et dans toute la province en établissant des règles de fonctionnement et de sécurité pour les chauffeurs et les passagers. Elle oblige notamment tous les chauffeurs de taxi de s’inscrire au Registre du Taxi. La loi 20, adoptée en 2019, vise à moderniser l’industrie du taxi à Montréal et dans d’autres villes du Québec et à la rendre plus compétitive face aux services de transport rémunéré tels qu’Uber et EVA. La loi 21, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 2018, a pour objectif principal d’améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières. Toutefois, elle contient également des dispositions qui ont des répercussions sur l’industrie du taxi et des services de transport rémunérés à Montréal et dans l’ensemble du Québec. Plus spécifiquement, la loi 21 vise à assurer que les services de transport rémunérés respectent certaines normes de sécurité et de qualité, tant pour les conducteurs que pour les passagers. Elle a également pour but d’assurer des conditions de concurrence équitables pour tous les fournisseurs de transport opérant dans la ville.
Ces lois instaurent notamment des tarifs minimums pour les chauffeurs de taxi, une formation spécifique et des vérifications des antécédents judiciaires pour les conducteurs de véhicules de transport rémunéré, et la déclaration des données d’opérations des entreprises de transport rémunéré.
Maintenant que la situation réglementaire actuelle a été cartographiée, il est intéressant d’analyser qui sont les acteurs principaux du transport rémunéré à travers le Grand Montréal.
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Acteurs de l’industrie du transport rémunéré
En ce qui concerne l’industrie du taxi traditionnel, actuellement, on compte plus de 9 000 chauffeurs enregistrés répartis sur tout le territoire de l’île de Montréal, selon le Bureau du Taxi de Montréal (BTM). Ces chauffeurs sont tous enregistrés sous une bannière d’un opérateur de taxi ou d’une coopérative de ceux-ci. Le lien suivant MTLTAXI présente la totalité des opérateurs présentement actif à Montréal, en plus d’afficher les liens vers leur site web et vers leurs applications de commande de taxi, si disponible. Sur le même site, on peut aussi avoir l’information de quels opérateurs proposent l’offre de transport adapté dans leurs services.
La Fabrique des Mobilités Québec a récemment lancé un sondage qui a permis de récolter de l’information sur les différents opérateurs de taxi en service, sur les spécificités de leur offre de service, ainsi que sur leurs méthodes en place pour mieux comprendre leur clientèle. Pour plus d’informations et pour les résultats de ce sondage, il est possible de visiter notre page Wiki sur la valorisation du taxi.
Par ailleurs, l’information sur les fonctionnalités présentes dans les applications de commande de taxi des opérateurs questionnés (pas la totalité des organisations ont été questionnées pour l’instant) est pertinente. Voici un tableau issu du Wiki qui analyse résume le tout :

Pour ce qui est des autres acteurs du transport rémunéré, les plus connus dans la Grand Montréal sont bien sûr Uber et EVA, une organisation québécoise. Il existe également des taxis indépendants et des Véhicules de Transport avec Chauffeur (VTC) qui offrent des services de transport de personne.
Dans le cas de Uber, une application bien connu des Montréalais, l’entreprise n’a pas fait fière allure depuis 2010, l’année de sa création. En effet, depuis les dix dernières années, plusieurs scandales ont fait parution, notamment de harcèlement, piratage, espionnage industriel et bras de fer avec la justice. Plusieurs enquêtes ont fait parution à travers le monde depuis 2015 sur les conditions de travail médiocres qu’ont droit les chauffeurs du géant américain, nous laisse savoir La Presse. En plus, en juillet dernier, les journaux québécois ont appris par The Guardian que l’entreprise d’autopartage aurait crypté des données à distance pour déjouer les autorités fiscales québécoises et l’échelle mondiale, selon quelques 124 000 documents les exposant.
En bref, pendant qu’Uber est sous l’emprise de problème avec son image, une opportunité en or se présente pour l’industrie du taxi de reprendre une certaine part du marché Montréalais en innovant pour s’intégrer à une mobilité intégrée qui permettra l’atteinte de visibilité de leur offre. Cette démarche sera expliquée dans le chapitre qui suit.
L’intégration future de l’offre dans une mobilité intégrée
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Le Registre du taxi de Montréal
Le Registre du taxi de Montréal est une base de données conçue à partir de la plateforme ouverte française LE.TAXI qui regroupe des informations sur les propriétaires et les chauffeurs de taxi autorisés à opérer sur l’île de Montréal. Cette base de données est gérée par la Ville de Montréal, précisément le BTM, et a été créée dans le but de mieux réglementer le marché du taxi et de protéger les consommateurs.
Tous les propriétaires de permis de taxi de Montréal sont tenus de s’inscrire auprès du Registre et de fournir des informations sur leurs activités de taxi, notamment sur l’emplacement et la disponibilité des chauffeurs en service permettant de dresser un portrait global de l’offre et de la demande. Les chauffeurs de taxi sont également tenus de s’inscrire individuellement et de fournir des informations sur leur expérience de conduite, leurs antécédents criminels et leur état de santé. Aujourd’hui, on retrouve plus de 4 400 véhicules de taxi en service régulier de la Ville de Montréal connectés au registre selon le BTM. L’analyse des données qui sont recueillies de ces chauffeurs sera faite par plusieurs organisations notamment le BTM, Polytechnique Montréal et la Fabrique des Mobilités Québec permettant de proposer de nouvelles fonctionnalités et solutions de mobilité urbaine avantageuses pour toute l’industrie.
Le Registre du taxi de Montréal est utilisé par les autorités municipales pour contrôler et réglementer le marché du taxi, notamment pour appliquer les règlements en matière de sécurité et de tarification. Il est également utilisé pour la gestion des plaintes des consommateurs et pour l’attribution des permis de taxi.
Le registre présente plusieurs points positifs sur l’entièreté des acteurs qu’il impacte. La valeur ajoutée pour la ville de Montréal est d’optimiser la répartition de la flotte de taxis sur l’ensemble du territoire pour répondre plus efficacement à la demande. Pour les citoyens, cet outil permettra de diminuer les temps d’attente pour augmenter la satisfaction et renforcer la fidélité des utilisateurs. Pour les intermédiaires du secteur de la mobilité de personnes, l’accès à de nouvelles données permettra d’améliorer le processus et attirer de nouvelles opportunités d’affaires. Aussi, le registre permet d’avoir un impact positif sur l’environnement en réduisant les GES émis par le taxi, grâce à l’optimisation des déplacements des chauffeurs, en plus de favoriser la réduction de l’autosolo dans le Grand Montréal.
Le registre des taxis est définitivement un des outils qui permettra au secteur du taxi traditionnel d’assurer sa place dans l’offre de transport de personnes et de rester à l’avant-garde du secteur de la mobilité urbaine de personnes de demain. Un exemple concret d’application du registre est l’intégration de données dans les planificateurs de déplacement populaire du Grand Montréal. Cependant, certains bloquants ne permettent pas l’implémentation rapide de ces informations, surtout à cause du modèle d’affaire qui doit satisfaire les deux parties dans cette relation d’affaires au niveau des frais de développement et des retombées.
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Intégrer l’offre de taxi dans les planificateurs de déplacements
Pour intégrer le taxi dans les planificateurs, il faut concevoir un modèle d’affaires à la fois bénéfique pour les planificateurs qui pourront générer des gains attrayants, mais aussi pour les opérateurs de taxi qui ne sont pas forcément ouverts à mettre la main à la poche sans connaître les retombées potentielles d’une telle intégration. Quelques exemples de gains pour les planificateurs à intégrer l’offre du taxi sont : le gain en termes de données sur les usagers, le gain en termes d’usage et le gain financier.
Les modèles d’affaires existants identifiés sont multiples et seront expliqués dans les prochains sous-chapitres.
Le coût par impression : C’est un modèle basé sur les vues de l’offre du taxi intégrée où le planificateur qui intègre la solution reçoit des redevances à chaque impression (1000 vues). Cependant, ce modèle d’affaires serait compliqué à mettre en place à Montréal, à cause du nombre important d’opérateurs de taxi en service dans la ville.
Le coût par installation : C’est un modèle d’affaires basé sur l’installation des applications de réservation de taxi où le planificateur de trajet reçoit une somme d’argent à chaque fois que l’application d’un opérateur est installée par un utilisateur suite à un deep link* dans l’application de planification de trajet.
*Un deeplink (ou lien profond en français) est un lien hypertexte qui pointe directement vers une page spécifique d’une application mobile, plutôt que vers la page d’accueil de l’application.
Le coût par clique : C’est un modèle d’affaires basé sur les cliques où chaque clique sur l’offre de taxi affichée génère un coût pour le planificateur de trajet qui est établi dans l’entente entre le planificateur et l’opérateur. C’est l’instance qui regroupe les opérateurs qui devra être payée à la fin de chaque mois.
Le coût par réservation : C’est un modèle d’affaires basé sur les réservations des taxis via les planificateurs. Ce modèle est utilisé généralement par Uber quand il est intégré aux planificateurs où à chaque première réservation d’un utilisateur d’une course Uber, le planificateur reçoit 20 à 25% du prix de la course opérée.
Un forfait d’application prenium payante : Ceci est un modèle d’affaire où une des fonctionnalités de l’application sont payantes et accessibles uniquement à l’utilisateur ayant une adhésion prémium. L’offre du taxi peut ainsi être vu seulement par les utilisateurs ayant payé pour ce service.
Coût pour l’intégration : Le planificateur de trajet estime un coût pour l’intégration de la solution. Ce coût unique est fixé pour l’intégration dans un premier temps, et un coût mensuel devra aussi être payé au planificateur pour le maintien de la solution. Le planificateur peut estimer celui-ci en fonction de la complexité de l’intégration et du temps qui va être passé à travailler sur celle-ci.
Il est important de se poser la question à savoir qui paye le planificateur pour intégrer l’offre du taxi ? Il a été défini que dans le contexte montréalais, il serait aux opérateurs de payer le planificateur pour intégrer leurs solutions, soit via l’offre de taxi avec un deep link si l’opérateur dispose d’une application ou en disposant le numéro de téléphone à contacter pour effectuer la réservation.
Comme il y a plusieurs opérateurs en service à Montréal, il s’avère difficile pour un planificateur d’avoir des ententes particulières avec chacun d’entre eux. Le manque d’une instance regroupant tous les opérateurs et pouvant signer qu’une seule entente avec un planificateur est souligné. Le BTM est le premier candidat être identifié, cependant celui-ci est un organisme para public ne pouvant pas jouer ce rôle.
Il est nécessaire pour les acteurs impliqués de poursuivre les discussions, afin d’arriver à une entente qui satisfait les deux parties pour aller de l’avant avec l’implémentation de l’offre du taxi dans les planificateurs permettant d’augmenter la visibilité pour le taxi et d’améliorer l’expérience utilisateur pour les citoyens dans la réflexion de la meilleure option de déplacement selon leurs critères.
En bref,
L’industrie du taxi de Montréal ayant grandement évolué depuis la dernière décennie est en bonne posture pour intégrer des fonctionnalités novatrices à leur offre de service pour obtenir plus de visibilité et de fidélité de leur clientèle. Après avoir mis en place des ententes bien cadrées avec les planificateurs de déplacements, les opérateurs de taxi pourront amorcer des projets d’expérimentations qui mettront en valeur les points forts et faibles de l’ajout de l’offre dans les planificateurs, grâce au registre du taxi en termes de coûts et de retombées.
C’est exactement où la Fabrique des Mobilités Québec, expert en expérimentation d’affaires, supporte le BTM, les opérateurs de taxi et les planificateurs. Le but est de valider les hypothèses de création de valeur avec des cas d’usages spécifiques sur une population contrôlée en assurant la récolte des avis des testeurs ciblés. Les prochaines étapes de la Fabrique des Mobilités Québec, dans cette optique, seront de tester via notre planificateur de déplacement Planificateur FabmobQC en construction certains cas d’usage intégrant le taxi en prônant une méthodologie d’expérimentation d’affaires. Nous pourrons ensuite communiquer les résultats de nos tests avec les opérateurs de taxi et les autres acteurs du secteur du transport pour démontrer la valeur que pourrait apporter de telles implémentations pour l’offre de sercive de transport dans le Grand Montréal.
Si vous voulez en apprendre davantage sur les prochaines initiatives de taxi et si vous êtes intéressés à devenir testeur, n’hésitez pas à nous contacter directement au communications@fabmobqc.ca !
Restez aussi à l’affût de nos prochaines communications pour vous assurer de saisir des opportunités de créer une synergie communautaire d’idéation pour le bien de la croissance de nouvelles mobilités durables.